Hua she tian zu : « dessiner un serpent avec des pattes », une expression chinoise à peu près équivalent à notre proverbe français « le mieux est l’ennemi du bien ». Un proverbe qui s’applique à merveille aux interfaces utilisateur en 2013 et à leur ergonomie défaillante…
« User Experience », un si beau concept …
Depuis quelques années, on ne jure plus que par l’ »UX », l’expérience utilisateur. L’informatique s’est immiscée partout, et avec elle, le besoin de s’adapter aux exigences du public en termes de compréhension immédiate du mode de fonctionnement d’un appareil, d’un site web, etc.
Et on avait fait de sacrés progrès dans ce domaine… Je rendrai grâce notamment à Apple, pour qui je n’ai vraiment aucun genre d’affinité en temps normal avec son star-system autour du Dieu Jobs, ses machines fermées et difficiles à dépanner, et ses autoroutes numériques à micro-péage à chaque kilomètre parcouru.
Il faut avouer qu’en terme de facilité d’utilisation et d’esthétique, les iPhones et iPads en imposent un max, et ont à juste raison été copiés par Samsung et Microsoft qui se sont engouffrés dans la brèche du fonctionnel explicite sur fond d’animations fluides, de fondus enchainés du plus bel effet et de sonorités diaphanes et cristallines.
… perverti par des esprits malades
On était vraiment bien parti, des interfaces de plus en plus simples, faciles et agréables à utiliser, jusqu’aux dernières moutures de machines à gaz créées par des soi-disant « designers » qui ont voulu faire les malins…
Ces « professionnels » ont certainement dû se dire « tel concurrent a inventé le zoom multipoint en resserrant deux doigts sur la tablette, on peut donc se servir de plusieurs doigts sur une tablette de manière intuitive pour effectuer des actions… Très bien, je vais inventer le triple tapotage à quatre doigts pour ouvrir les paramètres ! Et je vais en profiter pour montrer que les technologies du futur passent par la synthèse vocale pour abreuver mes utilisateurs de commentaires vocaux en permanence »…
Dans ma ligne de mire de la déchéance de l’ergonomie : Windows RT, Facebook et Google+
Ergonomie de Windows RT + Surface
Windows RT + Surface, la première tablette qui oblige l’utilisateur à se servir d’un clavier, et qui comme raccourcis n’a rien trouvé de plus malin que de dire « pour faire telle action, appuyer 3 fois de suite avec 2 doigts en même temps » sur la tablette. Autant j’avais été plus que convaincu par Windows 8, autant ce qui en a été fait sur une tablette Surface frise le ridicule…
Une anecdote liée à ma rencontre avec la tablette Surface : Une de mes clientes se l’était faite offrir et m’a appelé parce qu’elle « avait l’air cassée ». Non non, elle n’était pas cassée, elle fonctionnait « as intended » … C’est comme ça que j’ai pu m’offrir 4 heures de tests une après-midi, dont 30 minutes de dépression nerveuse avant d’y coller un clavier sur son port USB unique (donc si on veut y coller plusieurs appareils USB, il faut y mettre un hub ? Voila qui casse encore davantage le principe de la tablette …) . Au final, elle a envoyé son mari échanger la tablette contre une Samsung Galaxy Note… Mari qui m’a appelé au téléphone parce que la grande surface ne voulait rien savoir au départ. J’ai eu le vendeur au téléphone qui me disait « Mais monsieur, elle fonctionne très bien cette tablette ». Je lui ai expliqué que le problème ne relevait pas d’un écran cassé mais d’une ergonomie à se pendre par les pieds au sommet de la tour Montparnasse avec une ficelle et à attendre que la ficelle casse, ce qu’il a volontiers reconnu et accepté l’échange… Comme quoi…
Ergonomie de Facebook
Facebook, qui décide de changer son utilisateur interface tous les 4 matins – pourquoi pas, il faut savoir s’adapter au changement – en diminuant la lisibilité de fonctions utilisées relativement fréquemment et en la noyant parmi 3 autres liens au même nom mais faisant tout à fait autre chose – là non !
Par exemple, pour savoir qui aime votre page pro depuis peu, allez vous :
- Cliquer sur le très visible « x nouveaux j’aime » en haut à droite de votre page ? ah non c’est pas un lien…
- Cliquer sur le lien « afficher tout » juste au dessus alors ? Il y a un onglet « Personnes »… C’est l’accès aux tableaux de stats mais sans la liste des utilisateurs qui aiment votre page…
- Serait-ce en cliquant sur le nombre de « J’aime » en gros avec marqué à côté « Mentions J’aime » qui apparait sur la vue Admin de la page ? Encore raté, juste un graphique de l’évolution du nombre de personnes qui aiment la page au fil du temps.
- Et enfin, en tout petit, juste à côté de « Obtenez plus de J’aime » : « Voir les J’aime »… Gagné ! c’est bien là, mais juste une liste, peut-être triée par ordre chronologique – supposition gratuite de ma part mais pas vérifiée – les plus récents en premier… A priori impossible d’avoir la liste des nouveaux abonnés telle qu’elle, alors que leur décompte est affiché !
En continuant avec Facebook, le panneau d’admin est buggué : un de mes clients voulait se mettre administrateur de sa page pro qu’il avait fait totalement à part de sa page perso pour avoir la barre de recherche – oui, parce que lorsqu’on crée juste une page pro, on n’a pas accès à la barre de recherche de Facebook, alors que lorsqu’on crée une page pro à partir d’une page perso, on y a accès. Il doit y avoir une raison mais elle n’est pas immédiatement évidente et je ne l’ai pas comprise… Impossible pour lui depuis sa page pro de mettre sa page perso en tant qu’admin. En revanche il a pu mettre ma page perso comme admin, et en tant qu’admin j’ai pu ajouter sa page perso comme admin également… 40 minutes de perdues à tourner autour pour contourner le bug.
Ergonomie de Google+
Google est arrivé en retard sur le terrain des réseaux sociaux, il aurait pu en profiter pour réfléchir de fond en comble à son ergonomie. Il y a du mieux mais on n’y est pas encore…Des termes barbares traînent un peu partout sur l’interface (« Hangouts », oui il faut reconceptualiser des fonctionnalités existantes pour faire croire que c’est tout neuf, bravo ! mais laisser un terme comme « Vidéo-conférence » aurait été beaucoup plus explicite). Et Google sur-vend cette fonctionnalité qui est somme-toutes secondaire en lui accordant un espace important sur la page de profil…Une page de profil qui est différente selon que l’on soit sur une page perso ou une page d’entreprise…
La page « évènements » ne tient pas compte de la localisation géographique (non je ne me rendrai pas à Melbourne et à Los Angeles dans la journée du 4 septembre), et on ne comprend pas bien la séparation qui est faite dans les sous menus (Contacts et pages, communautés, posts Google +, Photos, etc).
Un autre constat : Google+ partage en grande partie la même niche écologique que Facebook, et dispose donc de fonctionnalités similaires (pas nécessairement des copies conformes). Et pourtant, plutôt que de reprendre à peu près le même type d’interface, Google+ a décidé de tout chambouler, juste pour dire « regardez, on n’a pas copié ! ». On se retrouve avec une image de couverture qui prend une bonne partie de l’écran par défaut sans pouvoir interagir avec (oui, les scrolls à rallonge sont à la mode, mais avec certaines règles !). Et le fait de devoir faire un nombre certain de clics pour arriver à retrouver dans tout ce bazar l’information qui nous intéresse, sans navigation centralisé, c’est parfois pénible…
L’interface de configuration n’est pas beaucoup mieux : Google appelle ça « Tableau de bord »… encore un synonyme à rajouter dans la même case fonctionnelle que « paramètres », « options » et « configuration »… Et je ne parle pas du nombre de clics qu’il faut faire si on veut ajouter un « service connecté » à Google+… Services connectés auxquels il faut donner une clef à 21 chiffres, clef qui n’est pas copiable via une sélection + Ctrl+C à l’endroit où elle est mentionnée – mais heureusement retrouvable dans l’URL de la page … Et une fois qu’on a validé la clef, Google ne nous fournit plus l’URL de la console d’APIs associée… A nous de la retrouver dans le fatras d’applications Google…
Conclusion
Les réseaux sociaux, les web-apis, le cloud, tout un tas de concepts qui n’étaient pas là il y a 10 ans, et dont l’utilisation qu’on en fera dans 10 ans sera obsolète, soit parce qu’ils auront étés remplacés, soit parce qu’ils auront évolué …
Les changements sont perpétuels et on a besoin de s’adapter sans cesse. Soit. Mais justement, est-ce que les développeurs des outils d’aujourd’hui ont conscience que, parce que nous avons à nous adapter, nous ne pouvons pas nous permettre de passer 1 mois à comprendre ce qu’ils ont voulu nous faire passer comme fonctionnalité peut-être révolutionnaire dans leur tête mais incompréhensible pour le commun des mortels ?
Facebook stagne, voire recule… Google+ n’a jamais vraiment décollé … Alors que Twitter explose, Pinterest le suit, Tumblr, Flickr et Instagram se portent bien. Le grand public n’a pas besoin d’applications complexes et de concepts abracadabrantesques. Seulement d’outils simples et qui font ce que l’on attend d’eux. Dans mon langage fétiche, Perl, il existe un concept qui s’appelle « DWIM » : « Do What I mean », qu’on pourrait traduire par « Tu m’as compris, fais le ! ».
C’est exactement vers ce principe que doivent tendre les interfaces utilisateur modernes, et elles y arrivaient de mieux en mieux ces dernières années… Jusqu’au vent de folie qui s’est emparé de quelques concepteurs, bizarrement à un moment qui correspond plus ou moins à la mort de Steve Jobs … Aurait-il jeté une sorte de malédiction en partant pour l’Hadès ?
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